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Rendez-vous aux jardins - 2016 (2)

Rendez-vous aux jardins- 2016. Parc du clos Pichat au Bois-d'Oingt ; animations poétiques dimanche 5 juin à 15h et à 17h. Le thème de la couleur au jardin inspirera également les créateurs et les enfants de 14h à 18h.

Argumentaire sur le thème de cette année 2016 : La couleur au jardin

Mon jardin, comme un tableau

http://rendezvousauxjardins.culturecommunication.gouv.fr/Dans-votre-region

Le programme en préparation s'inspirera de l'argumentaire proposé par le Ministère de la Culture, organisateur de ces journées sur le plan national.

L'art des jardins

Un jardin, comme un tableau, est créé pour transmettre une émotion. « Le parfum, les couleurs et les sons se répondent » écrivait Charles Baudelaire. Au jardin comme dans la peinture, l’homme s’efforce de comprendre et de maîtriser la couleur. Il s’emploie à trouver des harmonies, des contrastes, des équilibres, conjuguant inlassablement leur rayonnement. Très âgé, alors qu’il était presque aveugle, Claude Monet ne retient plus que les couleurs de son jardin de Giverny dans ses tableaux.

Tout autant que la structure et la forme, la couleur joue un rôle important dans la composition. Le jardinier sait jouer avec les couleurs pour composer son œuvre et créer différents plans, fonds et perspectives notamment grâce aux végétaux. Dans les parcs paysagers les effets colorés reposent beaucoup sur le feuillage des arbres. La grande jardinière anglaise Gertrude Jekyll rappelle que l’hiver par temps clair, les lointains sont d’une extraordinaire pureté, tandis que les jours brumeux donnent un aspect suspicieux aux jardins. Elle a su admirablement utiliser les plantes pour rapprocher des points focaux ou repousser les limites du jardin.

Dès le début du XIXe siècle, une approche scientifique de la couleur est proposée par Johann Wolfgang von Goethe dans son Traité des couleurs (Zur Farbenlehre, Tübingen 1810), où il présente les couleurs comme des mélanges d’ombre et de lumière et met en avant leurs effets sur l’affectivité et sur la rétine elle-même. Cette théorie est reprise par Eduard Petzold dans son ouvrage Le jardin paysager (Die Landschafts-gärtnerei) en 1853 dont un des chapitres a pour titre : « De l’importance de la couleur pour le jardin paysager ». Il écrit : « La couleur donne l’âme, la vie ; elle produit un effet sensuel sur le sentiment. Elle est la chair et le sang du paysage, et sans elle, la forme reste un squelette... Le jardinier peut faire beaucoup de choses par la disposition des couleurs, et ainsi, il est nécessaire qu’il connaisse les lois de la mise en couleur afin d’en user correctement ».

En France en 1839, le chimiste et directeur du département des teintures de la manufacture des Gobelins, Eugène Chevreul, expérimente « la loi du contraste simultané des couleurs » pour l’appliquer aux arts de « la tapisserie, aux diverses sortes de peintures et d’impressions, à l’enluminure et à l’horticulture » : « Les applications que je me propose de faire à l’horticulture sont de deux genres : les unes concernent spécialement l’assortiment des plantes dans les jardins d’après la couleur de leurs fleurs ; les autres se rapportent à la manière de distribuer et de planter des végétaux ligneux dans des massifs que je suppose avoir été dessinés d’avance ». Tout est dit, ces écrits auront une grande influence sur Édouard André et plus tard sur Gertrude Jekyll.

En 1879, dans son grand traité L’Art des jardins, Édouard André consacre un chapitre à l’ornementation florale et reprend la théorie de Chevreul. On peut y lire « Avant de procéder à l’examen des divers arrangements que peuvent recevoir les plantes fleuries, on doit connaître les lois de l’harmonie et du contraste des couleurs. Il n’est pas indifférent d’associer une nuance avec une autre bien que cette considération soit le plus souvent négligée dans le groupement des plantes. Une corbeille de fleurs plaît-elle aux regards, on peut dire que les lois de la couleur ont été observées ».

Principes également mis en avant dans le travail de Gertrude Jekyll qui, peintre de formation, invente le mixed border, plate-bande où les plantes sont disposées en masse pour former des aplats de couleur et de texture. Elle théorisera sa pratique dans Colour in the Flower Garden en 1908.

Certains paysagistes choisissent de n’utiliser qu’une seule couleur dans un jardin, une couleur mais mille nuances. À Sissinghurst, Vita Sackville-West s’inspire des écrits de Gertrude Jekyll pour créer son « jardin blanc » aménagé pour être vu au crépuscule. Au parc André Citroën, Gilles Clément crée un « jardin blanc » composé de plantes vivaces à dominante blanche (anémones du Japon, ibéris, gauras, dahlias, cléomes) et un « jardin noir » à la végétation plus touffue composée de pins, rhododendrons, rhus et chênes. Il aménage aussi des jardins sériels où sont associés une couleur, un sens, une planète, un métal et un jour de la semaine. Le jardin ultime étant celui imaginé par William Robinson dans The Wild Garden : un jardin vert sur vert.

Michel Pastoureau écrit que dans les parcs publics du XIXe siècle, tout est vert : arbres et arbustes, haies et pelouses, grilles, palissades, bancs, clôtures, et même les tenues des gardiens. Mais c’est principalement à cette époque que l’ornementation florale prend toute son ampleur, grâce notamment aux fleurs exotiques. Édouard André rappelle l’importance de l’harmonie et du contraste des couleurs et propose de les mettre en œuvre dans les bordures, les corbeilles et les plates-bandes.

Les saisons mettent en scène des palettes végétales et chromatiques variées offrant des visions sans cesse renouvelées des parcs et des jardins. Au printemps, la « montagne d’azalées» du Jardin Albert Kahn est une éminence rouge flamboyante. L’été, les hydrangéas de Shamrock déclinent mille tonalités de bleu, du blanc au mauve. Dans de nombreux parcs paysagers, les érables japonais ou les arbres américains ensoleillent l’automne de pourpre et d’or. En hiver, Gertrude Jekyll conseille d’utiliser, pour cette saison où les feuilles et les fleurs se font rares, des arbres et des arbustes à écorces colorées comme les cornouillers, les saules ou le largestroemia indica.

Outre la couleur des feuillages, des fleurs, ou des écorces, le monde végétal offre aussi des plantes tinctoriales (pastel, garance, indigo, genêt, henné, safran) à l’origine de nombre de couleurs et de pigments utilisés par les hommes, et par les peintres, en particulier.

La couleur n’est pas un effet de mode, une notion surannée ou un artifice d’une autre époque en ces temps de retour à la nature mais une composante fondamentale et intemporelle du jardin.

L'automne au parc avec la couleur des feuilles et le tronc coloré du sequoia.