LGV-POCL : nos réactions- APEOS : réflexion sur le projet de LGV Paris-Orléans-Clermont-Lyon - 4 janvier 2012 (contribution au Débat) –Association pour la protection de l’environnement à l’ouest de la Saône(Gleizé- Rhône)
APEOS - 82 rue de l’Indiennerie 69400 Gleizé
Réflexion sur le projet de Ligne à Grande Vitesse
Paris-Orléans-Clermont-Lyon
Nous comprenons les buts de cette nouvelle LGV : desservir des régions du centre de la France qui, bien que proches de Paris, ne sont pas encore pourvues de ce type d’infrastructures, soulager la ligne historique Paris-Lyon qui pourrait être saturée dans les prochaines années si sa fréquentation augmentait encore, offrir du travail aux entreprises françaises qui se partagent le marché des grands travaux initiés par l’Etat, reporter vers le rail des trajets jusque-là effectués en voiture, mettre la France en conformité avec la directive européenne imposant l’ouverture du trafic ferroviaire à la concurrence, sous peine de pénalités… Tous ces buts sont respectables et sont déjà développés dans des cahiers d’acteur bien structurés.
Afin de déterminer si l’opportunité d’un tel projet est bien réelle, il est nécessaire de prendre en compte toutes les données du dossier et pas seulement celles qui apparaissent de manière évidente et qui ont surtout été développées par les partisans de cette nouvelle LGV.
Le financement 13 à 14 milliards d’euros, selon les études actuelles, la variante par Macon étant la moins onéreuse. L’expérience des chantiers précédents montre que ce coût est, habituellement, très largement dépassé.
En cette période de difficultés financières, mettre à la charge des finances publiques une telle somme, et donc une telle dette, est-ce bien raisonnable ?
Les régions concernées par le tracé l’ont bien compris puisqu’elles déclarent ne pas souhaiter participer au financement de ce projet. La région Rhône-Alpes l’a largement exprimé dans son vote, en assemblée plénière, le 14 décembre 2011, réunion au cours de laquelle la majorité des élus régionaux s’est déclarée favorable à la création de cette LGV, à condition qu’elle soit financée par l’Etat et l’Europe.
Pour le financement de récents projets similaires, il a été nécessaire de faire appel au secteur privé, dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP).
Si la facture initiale est alors allégée pour les finances publiques, les bénéfices, à plus long terme, sont en faveur des groupes privés adjudicataires qui savent se protéger par des clauses restrictives dans les contrats les liant au public. La contribution de ce dernier est reportée sur les futurs contribuables et, donc, sur les générations futures.
L’exemple de la LGV Tours-Bordeaux est édifiant : le groupe adjudicataire, Vinci, engage des travaux pour 7,8 milliards d’euros et percevra, en contrepartie, les sommes que la SNCF et ses concurrents paieront pour obtenir le droit d’emprunter cette nouvelle voie. De plus, en cas d’échec commercial, le contrat limite la responsabilité du constructeur à 350 millions et celle des banques à 120 millions. Le solde, soit 7,33 milliards, sera à la charge de l’Etat, des collectivités locales, de l’Europe, de RFF, de la Caisse des Dépôts… Donc des contribuables.
Environnement
Il est inutile de revenir sur les impacts environnementaux déjà exprimés dans d’autres cahiers d’acteur.
Les impacts sur les milieux physiques, les milieux naturels et les milieux humains sont jugés « forts » et même « majeurs » dans le document établi par RFF et ceci pour les quatre scénarios envisagés.
Pour notre région, celle de Villefranche sur Saône, du Pays beaujolais et du secteur des Pierres dorées, l’impact environnemental sera considérable. Alors que cette région ne tirera aucun avantage, en contrepartie : pas de desserte, pas de maillage.
A ce sujet, il serait nécessaire de voir nos élus locaux se positionner.
Aménagement du territoire
Desservir, par la grande vitesse, les régions du centre de la France est, certainement, un enjeu majeur pour elles.
Il est nécessaire, toutefois, de nuancer cet intérêt.
L’expérience montre que l’arrivée de la grande vitesse entraîne inéluctablement une diminution de l’offre de desserte locale. Les TER en font les frais. Et, par voie de conséquence, leurs usagers qui, en grande majorité, effectuent des déplacements domicile-travail et dont la carte d’abonnement ne peut être utilisée pour les trajets à grande vitesse.
Même si les acteurs de ce dossier déclarent qu’il ne faut pas opposer les projets LGV et TER, force est de constater que l’argent investi dans l’un ne le sera pas dans l’autre.
Or, il suffit de considérer les remarques qui émanent des comités de ligne, lignes dont certaines sont déclarées « malades » par la SNCF, pour s’apercevoir que l’attente de la population d’ici porte sur l’amélioration des voies existantes, sur la régularité et la ponctualité des TER.
Electrifier des lignes TER comme Roanne-Saint Etienne, Lyon-Roanne-Clermont, Saint Etienne-Clermont relève aussi de l’aménagement du territoire.
Or, actuellement, à un instant T, sur le réseau français, 6% des trains en circulation sont des TGV et 10% des voyageurs utilisent la grande vitesse. Aménager le territoire en favorisant les dessertes locales ou régionales, concernerait donc 94% des trains et 90% des voyageurs.
Il serait possible, ainsi, d’éviter l’utilisation d’une expression passée dans le langage courant : le transport à deux vitesses. D’un côté, la grande vitesse, sûre, rapide, ponctuelle, onéreuse, réservée à une certaine catégorie de voyageurs. De l’autre, la petite vitesse, irrégulière, lente, aléatoire, mais peu chère, réservée à la majorité des passagers.
RFF, société publique, possède déjà une dette d’une trentaine de milliards. La mise en œuvre de la taxe sur les poids lourds, prévue dans le Grenelle de l’Environnement, et qui devait rapporter un milliard par an à RFF, a été reportée, encore une fois. Ce milliard qui, justement, « …manque, chaque année, pour financer, dans de bonnes conditions, la rénovation du réseau… », selon Hubert du Mesnil, président de RFF.
Les erreurs du passé, à ne pas renouveler
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Pourquoi vouloir faire aboutir à Lyon une deuxième LGV en provenance de Paris ? Ce projet n’est pas sans rappeler les discussions des années 1960, lorsque les élus lyonnais ont souhaité une jonction des autoroutes A6 et A7 au centre de Lyon, décision aboutissant au tunnel de Fourvière et à son fameux bouchon autoroutier, célèbre dans toute l’Europe.
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Pourquoi vouloir faire aboutir à Lyon une deuxième LGV en provenance de Paris alors que le nœud ferroviaire lyonnais (NFL) est déjà saturé ? Cette saturation entraîne déjà des retards conséquents sur les dessertes locales et régionales, par manque de quais pour accueillir les trains.
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Comment concevoir un projet de cette envergure, à travers les cœurs verts de la DTA lyonnaise, périmètre dans lequel aucune infrastructure nouvelle ne doit être tolérée..
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Pourquoi baser les études de rentabilité sur un nombre de passagers très hypothétique ? Pour exemples, le trafic dans Eurotunnel et sur la LGV Nord a atteint, à peine, la moitié des prévisions ; seule la LGV Atlantique a rempli le contrat fixé.
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Pourquoi ne pas envisager une LGV passant par le centre de la France mais évitant Lyon, gagnant le sud par Saint Etienne ou Clermont ? Elle déchargerait la ligne historique des passagers en transit dans la capitale de Rhône-Alpes et recentrerait sur l’actuelle ligne Paris-Lyon les seuls voyageurs à destination de cette ville.
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Pourquoi vouloir gagner dix, vingt ou trente minutes sur un trajet vers Paris alors qu’il sera nécessaire d’implanter une nouvelle gare à la campagne, pour la desserte de la plupart des villes souhaitant attirer cette LGV ? La durée du trajet entre le centre-ville et la future gare TGV annulera le bénéfice de la grande vitesse.
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Pourquoi nier que LGV et lignes locales sont concurrentes, le financement de la première desservant les secondes ? Il suffit de considérer la LGV Paris-Genève, par le Haut Bugey : pour un gain de quelques minutes et pour quelques trains journaliers seulement, combien de perturbations sur le réseau TER ? Encore une erreur à ne pas renouveler.
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Pourquoi déclarer que les Régions ne financeront pas ce projet, alors qu’elles sont toujours mises à contribution pour le financement de telles infrastructures ? Les groupes de pression parviennent à leurs fins en utilisant l’emploi et le développement économique comme arguments. Malgré leur opposition initiale, les Régions sont contraintes de mettre la main à la poche, espérant, en échange, obtenir des retombées commerciales. L’exemple de la Région Midi-Pyrénées est frappant. Elle a accepté de participer au financement de la LGV Tours-Bordeaux, LGV qui doit se poursuivre ensuite jusqu’à Toulouse. Or, la ministre des Transports évoque, maintenant, une limitation de cette LGV à Bordeaux, négligeant la poursuite sur la capitale de Midi-Pyrénées, région qui aura donc participé au financement d’un projet qui ne viendra pas jusqu’à elle.
Nos conclusions
D’un point de vue général, les arguments en faveur de ce projet LGV POCL sont compréhensibles pour la portion initiale, la plus longue, c'est-à-dire jusqu’à Clermont ou Roanne.
Mais au-delà ? L’intérêt général doit-il s’imposer aux intérêts des Pierres dorées, du Pays beaujolais et de la vallée de la Saône ? Toutes ces régions subiront des dommages irréparables, dommages qui leur seraient infligés sans tenir compte des impératifs liés à la DTA ? Et pour quelle contrepartie ? Aucune.
L’endettement des finances publiques et de RFF, et donc du contribuable, n’est-il pas suffisant pour devoir imposer une ardoise supplémentaire de 14 milliards d’euros ?
Les difficultés des transports régionaux et de leurs passagers journaliers sont-elles encore insuffisantes pour ne pas tenter de les résoudre, au moins partiellement ? Y remédier relèverait de l’aménagement du territoire, pour un coût largement inférieur à celui du projet POCL, en rendant un service à un nombre plus élevé d’usagers.
Au nom de tous ceux qui utilisent régulièrement les TER, souhaitons que la SNCF continue à se détourner du Tout-TGV, comme elle le fait depuis quelques années, après avoir constaté la perte de rentabilité de la grande vitesse, malgré l’augmentation régulière et massive des tarifs TGV. La nouvelle hausse tarifaire récente, rapportée à la hausse de la TVA et à l’inflation, va apparaître comme un nouvel élément dissuasif, vis-à-vis du projet LGV POCL
Christian LEDOYEN, président
Le 4 janvier 2012