LGV : les trop nombreuses lignes LGV en projet alimentent la réflexion et suscitent des réactions -
LGV- Les rails de la déraison-
Pierre Recarte et François Tellier
l'affirment dans le livre qu’ils ont publié en 2011: infrastructures somptuaires, les projets de LGV sont ruineux, dévastateurs pour l’environnement et réservés à une minorité.
L’objet de ce livre est de montrer comment l’absence d’entretien du réseau ferré français, couplé au développement irresponsable des nouvelles lignes à grande vitesse (LGV), qui doublent souvent des voies classiques sous-utilisées, est une véritable machine infernale qui oppose deux entreprises publiques : la SNCF et RFF, toutes deux surendettées.
Pour les auteurs, ces LGV sont des infrastructures somptuaires. Elles visent une » élite circulatoire » et ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un développement durable. Bien plus, elles accentuent une hyper-mobilité qui va à l’encontre des objectifs affichés par le Grenelle de l’Environnement. » La priorité sociale, écrivent-ils, c’est de permettre aux voyageurs du quotidien, de se déplacer dans des conditions minimales de confort et de ponctualité, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. » Comment arrêter ces locomotives emballées que sont les nouvelles LGV ? II faudrait d’abord que les responsables politiques précisent les missions floues de ces administrations dont ils ont la supervision. L’inanité de certains projets apparaîtrait alors avec évidence. En auront-ils le courage ? Se rendront-ils un jour à la raison ? Les auteurs de ce livre extrêmement documenté osent encore l’espérer.
Les auteurs : Pierre Recarte est médecin radiologiste. François Tellier est chef d’entreprise.. Ils ont décidé d’instruire à charge le dossier des nouvelles LGV. Ils apportent dans ce livre un éclairage nouveau et une contradiction étayée sur un très large fonds documentaire. Après s‘être livrés à un passionnant travail d’investigation, leur conviction en ressort renforcée.
Les rails de la déraison - Nuvis édition (enjeux pour 2050) – 2011- 21 euros- notice sur Decitre.fr
Laurent Chalard, géographe,
donne de nouveaux critères pour jauger l’utilité des lignes LGV.
Lire:
Le point de vue du géographe peut être intéressant, dans le sens que sa vision n'est pas politisée, il ne défend pas plus un territoire qu'un autre, et elle n'est pas uniquement «transports», mais plus globale, s'inscrivant dans une logique d'aménagement d'un territoire soumis à une concurrence féroce dans le cadre de la mondialisation.
Suivant cette dernière logique, le TGV est avant tout fait pour desservir les grandes métropoles, c'est-à-dire pour le géographe, en combinant les critères de la taille démographique (plus de 750.000 habitants en 2007) et du nombre d'emplois (plus de 350.000 en 2007) à l'échelle des unités urbaines, sept agglomérations, que sont, respectivement par leur ordre d'importance, Paris, Lyon, Marseille, Lille, Toulouse, Nice et Bordeaux. A ces sept grandes métropoles, il convient d'ajouter deux autres villes de taille moindre, mais qui jouent un rôle primordial dans l'organisation du territoire national, que sont Strasbourg pour le Grand Est, et Nantes pour le Grand Ouest. Pour les autres agglomérations (métropoles intermédiaires et villes moyennes), leur taille ne justifie pas la création d'une ligne nouvelle spécifique, sauf si elles se trouvent à proximité des principaux axes reliant les grandes métropoles entre elles. Il faut aussi ajouter que le TGV doit mettre en relation les métropoles françaises avec les grandes métropoles proches des pays voisins.
Suivant les critères énoncés précédemment, les projets justifiés sont ceux qui permettent d'améliorer sensiblement la desserte des grandes métropoles. Le premier est la ligne TGV Bordeaux-Toulouse, qui permettra d'améliorer considérablement l'accessibilité des deux grandes métropoles de province les plus dynamiques du pays dans la dernière décennie.
Le TGV Lyon-Turin apparaît comme le seul projet transfrontalier d'intérêt primordial, dans le cadre de l'accélération des relations ferroviaires entre la France et l'Italie. Cette liaison avec l'une des principales agglomérations italiennes conduirait à faire entrer définitivement Lyon dans le club des grandes métropoles à rayonnement européen. ll apparaît difficilement compréhensible que ce projet soit le plus fortement contesté, étant donné ses retombées économiques potentielles considérables.
Le TGV Côte d'Azur, qui semble reporté aux calendes grecques, n'en présente pas moins une justification certaine, dans l'optique d'une amélioration de la desserte de Nice, agglomération française dont le tissu économique est sous-estimé par les décideurs politiques nationaux, et au-delà de Gênes en Italie. Par contre, le tracé proposé est contestable, dans le sens qu'il ne propose pas de véritable alternative à l'itinéraire existant, concentrant, de nouveau, sur le littoral l'infrastructure de transport régional.
La branche sud du TGV Rhin-Rhône, outre le renforcement des relations Francfort-Strasbourg-Lyon, venant conforter la place de carrefour européen de cette dernière, permettrait aussi d'éviter de doubler la ligne nouvelle Paris-Lyon actuelle, en faisant passer des trains vers le sud par Dijon. Enfin, l'interconnexion sud des LGV en Ile-de-France, par les gains de temps apportés dans les relations province-province, est un projet à avancer.
En définitive, le TGV n'a pas vocation à desservir l'ensemble du territoire français, mais seulement les grandes métropoles. Dans ce cadre, les autres projets doivent être abandonnés.
Laurent Chalard est géographe à l'European Centre for International Affairs. 24 décembre 2012